Billet d'humeur

Je vis donc j'écris

Coup de coeur, coup de gueule, je donne mon avis, même si on ne me le demande pas.

Dans cette rubrique, vous trouverez des réactions à l'actualité patrimoniale et culinaire. Mais aussi des réflexions sur le monde qui nous entoure. Le regard d'un passant du XXIe siècle, qui a aussi connu le XXe, et n'ignore pas tout des précédents. 
"Nous sommes les derniers dinosaures" me disait autrefois un ami qui parlait latin. 
Comprenne qui pourra.
Les sardines

Un jour j'écrirai sur les sardines. Je parle des vraies sardines, sauvages, fines et goûteuses. La sardine rieuse, vagabonde comme la truite du même nom, élégante et vive, au goût raffiné.
Difficile d'en trouver. Sur les étals, elles sont souvent remplacées par de grasses sardines d'élevage qui tentent de faire concurrence aux maquereaux.
J'en ai dégusté à déjeuner, cuisinées avec quelques épices et du citron. Après ma sieste, je vous en donnerai peut-être le secret.
Mais le vrai secret est celui de la sardine elle-même, qui est délicieuse quelle que soit sa préparation.
Le plat de l'été: une salade
Il fait chaud, vous n'avez pas envie de cuisiner, ni de manger des plats trop lourds à digérer. Un incontournable pour l'été est une belle salade composée, qui ravira l'oeil avec de ravir les papilles: un fond de riz froid, des feuilles de salade verte, des concombres émincées, des tomates charnues rouge puis jaunes, sur laquelle viendront jouer quelques tomates cerises, des lamelles d'avocat enduites de citron pour ne pas noircir, des morceaux d'un pamplemousse pelé à vif dont le surplus de jus arrosera la salade, quelques rondelles d'oignon rouge,  un peu de persil, des olives, et pour trôner au-dessus du plat, des oeufs mollets dont le jaune se mêlera à la chair des légumes.

La recherche du goût perdu

(Du côté de chez Marcel)

Longtemps j'ai goûté de bonne heure, mais aujourd'hui j'ai mangé plus tard, et mieux! Pourquoi? Parce que j'étais à Saint-Pourçain. 

Dans ce bourg auvergnat somnolent, apparemment oublié des dieux de l'économie et des papes de la finance, règne un calme provincial, propice au culte du goût. Dans ce cadre bucolique tout droit sorti de la IVe République, les pèlerins ont effectué trois rencontres.

D'abord, sur une petite place silencieuse où, seule, murmure une fontaine, une vraie pâtisserie à l'ancienne, sans publicité, sans chichi, modeste et sans concession, mais dévouée au vrai goût, même importé en Auvergne. Goûtez la Babka polonaise que vous avez oubliée depuis très longtemps. Les pistaches fondent sous la langue dans un croustillement joyeux. On se croirait à Cracovie!

C'est à un vrai voyage que vous convie aussi le champion local de l'andouillette qui officie non loin des vieilles halles et dont la renommée s'est étendue au-delà de Vichy, jusqu'à Clermont-Ferrand. Disons-le simplement, son andouillette est un chef-d'oeuvre d'équilibre et de texture. Ce charcutier se révèle être un véritable maître artisan à l'ancienne, digne héritier d'une tradition culinaire immémoriale.

Enfin, pour clore cette rubrique propre à faire saliver les gourmands, évoquons la troisième rencontre de Saint-Pourçain, la plus importante, car il s'agit, dans notre cas, d'une véritable conversion. Je gardais du cru local, avalé trop vite et trop chaud, dans les années Pompidou, un souvenir assez fâcheux. Mais, que de temps perdu, car les choses ont bien changé. Un caviste local, qui associe avec bonheur fromage et vin, m'a fait découvrir des saveurs subtiles et généreuses qui m'ont ravi le palais. Je me suis donc converti au Saint-Pourçain, rouge ou blanc, sans nuance politique. Il y a dans ce nectar une spécificité locale, le cépage Tressalier, qui transcende tous les clivages pour parvenir à une glorieuse unité.

Mets servis pour un repas de noces en 1615

"Mémoire de la patisserie qu'il convient de faire et fournir pour la nopce de Bertrand Daubet".

"Premierement, une tourte ytalienne.Ung patté de chappons au bec doré.
Une tourte de moille.
Deux patez de pigeons.
Entremetz: une tourte de carde et une picque lardé.
Yasue: dix pieces de four différentes pour plat."


"Mémoire de la viande" :
"Premierement ung poulet dinde.
Ung cochon.
Ung lapin de garayne.
Ung levrault.
Ung chappon.
Deux gros heutodeaux.
Deux poullettes fezantées.
Trois poulletz au vinaigre.
Deux becasses.
Trois pigeons en ravier.
Trois pigeonneaux de volliere.
Pour bouillir :
Ung chapon.
Deux heutodeaulx.
Trois pigeons a confire.
Ung bizet.
Pour pasté :
Ung chappon.
Six pigeons".

"Mémoire de ce qu'il convient de faire et fournir pour la cuisine" :
"Premierement, ung plat de jambon de mayence.
Ung plat e langue de beuf.
Ung plat de saucissons.
Ung plat d'orange.
Une roze de citrons.
Une grande sallade.
Une sallade de betterave.
Ung plat d'ollive.
Ung plat de caspe.
          Pour l'entremets :
Deux platz de carde.
Ung plat de champignon.
          Pour l'issue :
Six platz de fruictz creu.
Deux platz de confiture.
Ung plat de neffles.
Et ung plat de marrons.
L'assaisonnement de tous les pottages.
Linges, vaisselles et vaisselle d'argent.
Tables
Cousteaulx, verres, bouteilles, assiettes et tout ce qui deppent de l'art de cuisiner".



"On ne peut que rester rêveur devant l'abondance, la diversité et la nature de tous les mets qui furent servis au cours de ce repas de noces de personnes de condition, cependant, fort modeste" (Madeleine Jurgens)

Peut-on éduquer le goût?

Un art de la transmission

Il est d’usage de reconnaître Jacques Puisais comme l’initiateur de l’éducation au goût. Dans les années 1970, il a mis au point un programme d’éducation sensorielle destiné aux enfants. Cette pédagogie est centrée sur l’apprenant, qui découvre ses propres talents. Ou pas. 

Certes ce fut une étape importante et les programmes qui en découlent ont leur intérêt. Mais une véritable éducation au goût ne peut se faire sans transmission. L’approche du chef étoilé Régis Marcon offre d’autres facettes. D’abord ce grand cuisinier s’est investi dans la préparation des repas de la cantine scolaire dans son village, à Saint-Bonnet-le-Froid en Haute-Loire. Une initiative qu’il faut saluer. Chapeau bas. On aimerait que d’autres "chefs", voire des cuisiniers, aient le même désir de faire manger de bonnes choses aux enfants, afin qu’ils sachent ce qu’est une vraie cuisine. Tant d’enfants l’ignorent ! Et ce n’est pas nécessairement une question de moyens financiers. Ensuite, Régis Marcon a jugé nécessaire d’aller plus loin, il a voulu apprendre aux enfants à connaître les produits, au besoin en les emmenant au jardin, et il leur a fait une initiation à la cuisine. 

Le goût ne s’invente pas, et ne se reconnaît pas toujours si on ne le connaît pas, si l’on ne vous a pas appris à le découvrir. J’ai le souvenir d’une phrase dite un jour par un autre cuisinier: "C’est au cou que l’on reconnaît une bonne volaille" disait-il. Comme il avait raison ! La chair la plus savoureuse est celle qui se trouve le plus près de l’os. Ces petits secrets font aussi partie de l’art d’éduquer le goût, ou de le transmettre.

Une habitude que j'aimerais voir disparaître est celle du "menu enfant" tel qu'il est trop souvent pratiqué. Adapter un menu, pourquoi pas, réduire la quantité, admettons, mais de grâce ne limitons pas les enfants au steak frites ou au plat de nouilles. C'est au contraire le moment de les étonner, de leur faire découvrir autre chose et d'en prendre le risque. Les cuisiniers devraient comprendre que ces enfants d'aujourd'hui seront leurs clients de demain. Ou pas. Une anecdote me revient. La scène se passe dans un restaurant renommé du sud-ouest, où officiait alors Maurice Coscuella. Un couple commande le célèbre foie gras poêlé. A la petite fille âgée d'environ 5 ans qui accompagnait ses parents, le maître d'hôtel demande: "Et pour mademoiselle, ce sera un menu enfant?". "Non merci", répond la fillette, "je prendrai moi aussi un foie gras poêlé".

La Ballade des Pendus
Théodore de Banville - 1866












Souvenir du soir.
Sur ses larges bras étendus,
La forêt où s’éveille Flore,
A des chapelets de pendus
Que le matin caresse et dore.
Ce bois sombre, où le chêne arbore
Des grappes de fruits inouïs
Même chez le Turc et le Maure,
C’est le verger du roi Louis.

Tous ces pauvres gens morfondus,
Roulant des pensées qu’on ignore,
Dans des tourbillons éperdus
Voltigent, palpitants encore.
Le soleil levant les dévore.
Regardez-les, cieux éblouis,
Danser dans les feux de l’aurore.
C’est le verger du roi Louis.

Ces pendus, du diable entendus,
Appellent des pendus encore.
Tandis qu’aux cieux, d’azur tendus,
Où semble luire un météore,
La rosée en l’air s’évapore,
Un essaim d’oiseaux réjouis
Par-dessus leur tête picore.
C’est le verger du roi Louis.


Prince, il est un bois que décore
Un tas de pendus enfouis
Dans le doux feuillage sonore.
C’est le verger du roi Louis.



La sardine frétillante

Souvenirs d'enfance.

Audierne, Lorient, Concarneau, ces ports bretons fréquentés pendant les grandes vacances avaient pour mon imagination fertile tous les charmes secrets de l'aventure. Ils en avaient surtout l'odeur de varech, d'iode et de sel et, inoubliable entre tous, le parfum de la sardine.

La sardine argentée était chargée par la marée dans ces gros bateaux de bois aux peintures écaillées qui accostaient sur la digue à toute heure du jour et de la nuit pour décharger leur pêche.

Frétillante vite revendue à la foule gourmande qui assiégeait le quai. Ce moment marquait le triomphe de la sardine qui régnait sur toutes les ruelles du port, en exhalant un puissant fumet de grillade huileuse. Un triomphe abondamment fêté dans les nombreux cafés du port, et parfois bref. Loin des raffinements de la cuisine bretonne, des sauvages à peine civilisés étripaient le poisson d'un vif coup de lame avant de l'engloutir d'une bouchée avide, l'oeil brillant de satisfaction.






Cuisine ou cuisinier, entre deux mots lequel choisir?

A propos d'un livret "restaurants" distribué à l'office de tourisme de Cahors (46)


Cahors est une ville très agréable, où l'on mange bien et où l'on trouve de bons produits locaux. Qu'on se le dise en premier, afin que ces lignes ne passent pas pour une critique de l'art culinaire du sud-ouest.

Pour ce voyage, j'avais bien sûr emporté ma documentation de bonnes adresses locales, mais étant toujours désireux de m'instruire et de ne pas passer à côté d'un jardin de délices, j'ai poussé la porte de l'office de tourisme de Cahors qui était ouvert (la chose mérite d'être notée, avez-vous remarqué comme les offices de tourisme sont souvent fermés quand les touristes sont là?). Donc, un petit guide des restaurants exposé sur un présentoir a attiré mon attention et je l'ai emporté.

Quelle ne fut pas ma stupéfaction lorsque je l'ai ouvert? Je m'attendais à voir des photos en couleurs de quelque succulente assiette, de ces images qui vous font saliver immédiatement et vous poussent à approfondir le sujet, cassoulet, foie gras ou gigot, mais rien de tout cela. Pas non plus de listes de menus qui auraient pu attiser ma curiosité, faire travailler mon imagination pour trouver mentalement l'illustration qui s'appliquerait aux mots. Non, rien de tout cela.

En revanche, une galerie de portraits, de personnages au demeurant souriants et sympathiques, de "chefs" pour dire le mot, terme qui tend à remplacer à notre époque celui pourtant très évocateur de cuisinier. Un chef, c'est autre chose. Mais nous entrons là dans un autre débat...

Pour en revenir au livret et au premier sujet, quelle mouche a piqué le communicant qui a fabriqué un tel produit, censé attirer de nouveaux clients vers les restaurants mentionnés? 

Si la cuisine est un art, et si l'image de l'artiste est certes intéressante, c'est sans aucun doute celle de l'oeuvre qui importe le plus au gastronome. Ce petit trombinoscope culinaire ne comporte aucune image susceptible de créer l'envie et le plaisir. A la dérive de la cuisine moléculaire, naguère tentée au-delà des Pyrénées, ne doit pas se substituer l'émergence d'une cuisine virtuelle, orchestrée par des avatars de "chefs" dirigeant des brigades de robots. 

Ce risque est heureusement inexistant dans le Lot où la restauration traditionnelle tient à demeurer proche du tourisme gastronomique.





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